Huiler et protéger le bois

Origine de l’huile de tung : l’or du Guangxi

Planche dessinée qui explique l'origine et la fabrication de l'huile de tung

Un voyage au cœur du Guangxi : berceau de l’huile de tung

Lorsque l’on évoque la province du Guangxi, au sud de la Chine, on pense immédiatement à ses impressionnants pics karstiques. Mais, nichées entre ces formations rocheuses, se cachent de petites merveilles : les plantations de tung (Vernicia fordii). Ces arbustes d’aspect un peu frêle défient la gravité et les éléments, poussant parmi les cailloux sur les versants des collines à une centaine de mètres d’altitude.

inspection d'un arbre et d'un fruit de tung par Guillaume Le Penher dans le Guangxi, Chine
Guillaume enquête sur l’origine de l’huile de tung au Guangxi, Chine

J’ai déjà beaucoup écrit sur l’huile de tung dans ce blog. Pourtant, cela faisait plus de 10 ans que Sophie et moi rêvions de pouvoir remonter à l’origine de l’huile de tung. Alors quand l’occasion s’est présentée nous n’avons pas été long à nous décider pour aller sur les traces de cette petite graine ! C’est une occasion exceptionnelle de pouvoir nous rendre au cœur de cette province, bien loin des sentiers touristiques.

Planche dessinée qui explique l'origine et la fabrication de l'huile de tung

Dans cette région rurale, la saison est rythmée par 2 temps forts. D’abord en mai, les plantations se parent de rose et de blanc avec la floraison du tung. Dans certaines régions comme à Taiwan, on célèbre l’abondante floraison de cet arbre généreux. Puis à l’automne, en novembre, on commence la récolte des fruits (non comestibles) tombés au sol.

Ce qui est surprenant avec cet arbre, c’est sa précocité : dès la troisième année, il se montre généreux en fruits. Voilà une autre qualité qui le distingue de nombreuses autres cultures. Il produit ensuite pendant une vingtaine d’années.

Un processus de production respectueux de l’environnement

L’entretien de ces plantations se fait dans la simplicité, à l’image de la vie des paysans dans cette région rurale. Oubliez les tracteurs et les engins mécaniques, ici tout est fait à la main. Une fois les fruits récoltés, on sépare minutieusement l’enveloppe des graines, qui contiennent entre 4 à 6 graines chacun. Elles sont ensuite séchées au soleil, avant d’être pressées. L’extraction se fait mécaniquement pour en extraire l’huile précieuse. Finalement, c’est un procédé simple qui ressemble à tant d’autres productions agricoles. Les tourteaux, résidus de pressage, ne sont pas jetés. Ils retournent à la terre, fertilisant les champs d’arbres fruitiers.

tourteaux de graines de tung
Résidus de pressage des graines (tourteaux) prêts à fertiliser les champs

Il est important de souligner que cette culture du tung ne rivalise pas avec les cultures vivrières de la plaine, comme le riz, le maïs, le soja, les légumes et les fruits. Je voulais absolument vérifier ce paramètre car c’est en contradiction avec l’huile de lin. Le lin, issu d’une plante annuelle occupe des surfaces qui pourraient aussi bien être cultivées avec des céréales, des légumineuses ou du maïs. De plus, c’est une culture mécanisée. Elle nécessite donc des calories issues du pétrole pour fonctionner. J’ai déjà comparé les coûts énergétiques comparés entre l’huile de lin et l’huile de tung dans cet article. Cette étude approfondie a été surprenante au niveau des résultats…

L’huile de tung : secret de la longévité de la muraille de Chine

l'huile de tung est un des secrets de longévité de la muraille de Chine

L’huile de tung ne se limite pas à la protection du bois. Comme je le raconte également dans la vidéo ci-dessus,son pouvoir va bien plus loin. Les acides gras contenus dans cette huile possèdent beaucoup plus de double liaisons que n’importe quelle autre huile végétale. Chimiquement, elle est donc plus résistante et stable. Voilà pourquoi on s’en sert même pour protéger les circuits imprimés en électronique ou bien la terre cuite !

Bien avant cette utilisation moderne, elle a aussi joué un rôle primordial et méconnu dans la préservation de la Grande Muraille de Chine. Incorporée au mortier, l’huile de tung empêche l’eau de s’infiltrer. Sans cette protection, l’eau contenue dans les joints peut geler faisant éclater la structure. Peut-on imaginer la Chine sans cette merveille architecturale ? La muraille doit donc une fière chandelle à cette petite graine venue du sud !

Et dire qu’elle n’a même pas besoin de siccatif pour sécher…

L’huile de tung est polyvalente. J’ai cité plus haut l’exemple des circuits imprimés. Elle est également un composant essentiel des peintures, vernis et même du linoléum. Mais pour moi, c’est dans la finition du bois que son potentiel s’exprime pleinement.

Des usages multiples et écologiques

Vous le savez, l’eau et l’huile se repoussent naturellement. L’huile de tung offre donc une protection hydrofuge au bois sans le priver de sa respiration naturelle. Elle n’est pas filmogène : au lieu de recouvrir le bois d’une pellicule, elle pénètre dans ses fibres. Elle est ainsi facile d’entretien : contrairement aux vernis ou lasures qui craquellent avec le temps, l’huile de tung nécessite juste une nouvelle application au pinceau ou au chiffon de temps en temps.

On supprime également avec ce produit naturel les ponçages fastidieux entre les couches. Ainsi, vous ne libérez plus de poussières toxiques pour vous-même et votre environnement. Voici une grande amélioration des conditions de travail si simple à mettre en place ! Plus besoin de système d’aspiration coûteux et souvent défaillants, de masques (on a eu notre lot avec le Covid !) et de ponceuses responsables de tant de troubles musculo-squelettiques… J’en ai fait les frais avec mes canaux carpiens endommagés à jamais à cause de l’égrenage de vernis.

Et puis, avec une résistance accrue aux acides, aux bases et une moindre sensibilité aux UV comparée à l’huile de lin, elle est l’alternative parfaite aux vernis marins. C’est un choix idéal pour ceux qui cherchent une huile bois naturelle, efficace et durable.

L’origine de l’huile de tung : une garantie de qualité

discussion avec Guillaume Le Penher dans une usine chinoise de pressage de graines de tung
Discussion avec le contremaitre de l’usine de pressage d’huile de tung, Guangxi, Chine

Vous connaissez maintenant l’origine de l’huile de tung. Pour être complet, nous pourrions également aller faire un tour au Paraguay. Cependant, la qualité de l’huile dépend de plusieurs facteurs. Le premier est bien sûr la botanique. Les souches variétales chinoises sont les plus productives. Elles donnent également une huile qui contient plus de double liaison par rapport à d’autres cultures d’Amérique du Sud voire d’Afrique de l’Est. L’indice d’iode est stable, ce qui permet à l’huile de sécher correctement au contact de l’oxygène.

Le sol du nord du Guangxi est réputé dans toute la Chine pour offrir le meilleur substrat aux arbres de tung. Ils s’y développent mieux qu’ailleurs et donnent une huile de haute qualité.

Le partenariat solide de Sol-éco avec les entreprises de la région nous permet d’obtenir un grade de qualité très contrôlé et constant. Ce n’était pas toujours le cas avec d’autres fournisseurs, notamment du Paraguay. J’ai déjà reçu des lots d’huile beaucoup plus sombre, contenant plus de résidus.

En remontant avec nos partenaires locaux à l’origine de l’huile de tung, nous avons discuté avec le contremaitre de l’usine. Nous lui avons exposé les exigences précises que nous avons en terme de clarté d’huile. Nous avons effectué ensemble les tests Gardner (échelle de couleur, rien à voir avec les tests d’intelligences multiples…) pour classifier des lots en fonction de leur teinte. Maintenant, nous sommes en mesure d’offrir l’huile de tung la plus claire du marché !

Conclusion

L’huile de tung est bien plus qu’une simple huile pour bois. C’est le reflet d’un savoir-faire ancestral, d’un respect pour la nature et d’une volonté de préserver et de mettre en valeur le bois. Que ce soit pour saturer une pièce de bois, assurer sa protection ou encore prolonger la vie d’une œuvre architecturale, elle a su prouver sa valeur à travers les âges. Aujourd’hui, je suis fier de contribuer à son renouveau en Europe et de prouver sa modernité.

On me pose encore régulièrement la question suivante :  » Quel recul avez-vous sur l’efficacité de l’huile de tung ? »

Hummm ! Quel retournement de situation ! Quel lavage de cerveau nous avons subi. C’est triste.

L’huile de tung fait ses preuves depuis 2500 ans sans bruit, sans pub, sans lobby. J’en ai déjà abondamment parlé dans cet article le plus complet disponible sur le web.

Ce n’est vraiment pas le cas des produits à base d’hydrocarbures pour le bois : saturateurs, vernis, lasures. Tous les 4-5 ans les normes sur ces produits évoluent. On limite tel solvant ou tel catalyseur. On passe du naphta au soja ogm ou à l’eau. Finalement, ces produits sont vendus sous les mêmes marques commerciales alors que leur formulation change sous la contrainte législative. On a donc jamais 10 ans de recul sur ces produits de grande marque ! Et cest à cette bonne vieille huile de tung qu’on demande de se justifier !

Quelle ironie ! Cette ironie est rendue possible par la puissance de feu de la communication pétrochimique. Vous reprendrez bien un peu de polyuréthane ? Ou alors vous préférez nos acryliques ?

Une dernière chose pour la route : vous avez déjà essayé de protéger du bois avec de l’eau ? Non ? C’est pourtant ce qu’on vous pousse à faire avec tous ces nouveaux produits de protection pour le bois si vertueux… Je détaillerais les dangers des produits en phase aqueuse dans de prochains articles.

À bon entendeur !

Guillaume de Sol-éco

10 thoughts on “Origine de l’huile de tung : l’or du Guangxi

  1. Pascale dit :

    Bonjour je viens de recevoir le colis ! Sympa le pinceau et le chiffon ! Je fini de poncer mon parquet salle de bain verni bien abîmé en merbau et je vous tiens informé de la suite !
    Merci !

    1. Guillaume dit :

      Merci pour votre retour Pascale !
      Bon chantier et pensez à nous envoyer des photos style « avant / après » pour inspirer les lecteurs-trices 😉

  2. Hambout dit :

    Bonjour,
    Quel dosage préconisez-vous (huile de tung/essence orange) pour la protection de tomettes en terre cuite ?
    Merci à vous

    1. Guillaume dit :

      Bonjour !
      Comme la terre cuite est un matériau moins poreux que le bois, je vous recommande de diluer l’huile de tung à 50% pour la première couche puis 30% pour la seconde. Bien essuyer le surplus entre les couches pour laisser la surface de la tomette sans couche grasse.

  3. Florian dit :

    Merci pour cet article qui est vraiment super intéressant ! Je ne connaissais pas du tout cette huile ni son histoire. Très sympa aussi les dessins pour illustrer et résumer les informations autour de cette huile 🙂

    1. Guillaume dit :

      Merci Florian !
      Cela peut inspirer certaines de vos prochaines planches de dessin de botanique avec ses feuilles en forme de cœur…

  4. Elma dit :

    Super article qui porté à ma connaissance une huile que je ne connaissais mais alors pas du tout du tout

    1. Guillaume dit :

      Merci Elma ! C’est là toute la magie du web : trouver ce qu’on ne cherchait même pas 😉

  5. Ludovic Wanes dit :

    Merci pour ces éclaircissements et bonne continuation dans votre quête de respect des « choses »…

    1. Guillaume dit :

      Avec plaisir et conviction Ludovic 😉
      Bien cordialement
      Guillaume de Sol-éco

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